Année 2004

A partir de ce moment, le décès de Léa est devenu une coupure dans la ligne du temps ; il y avait ce qu’on avait fait quand elle était là et ce qu’on a fait après son départ. De simples questions comme « Quand avons-nous acheté tel objet ? » ont comme réponse aujourd’hui « Avant avril 2004 car Léa était encore là » ou « Après avril 2004, Léa n’était plus là »

Les premières semaines après le départ de notre chérie, nous étions tellement fatigués que nous nous sommes ,d'abord, reposés. Malgré l’immense douleur, nous étions comme soulagés de ne plus la voir souffrir.

Puis, nous avons commencé par jeter ses médicaments, il y en avait en quantité incroyable, ceux qui pouvaient encore servir, ont été remis aux infirmières de liaisons. Rien que ça, était déjà une épreuve et c’est à ce moment que nous avons commencé à prendre conscience qu’elle était vraiment partie.

Nous avons, également offert sa chaise roulante, ses béquilles, attelles et autres matériels qui nous rappelaient tant sa souffrance, à l’équipe des soins palliatifs. Tant mieux, si cela pouvait soulager un enfant en fin de vie.

Petit à petit, nous avons réappris une multitude de petits gestes banals comme mettre la table avec une assiette de moins (on ne s’imagine pas comme il nous a fallut du temps pour ce petit détail), ne plus surveiller l’heure pour les médicaments etc... Et puis, laver ses derniers vêtements, ranger sa chambre qui ne serait plus dérangée, certaines choses comme sa brosse à dent que j’ai d’abord rangée puis jetée pour ne plus me faire du mal, enlever ses crèmes, ses savons... Toutes ces étapes font partie (je ne dirais pas deuil car je déteste ce mot) de l’après et toutes ces étapes sont des épreuves difficiles qui ont été accomplies avec beaucoup de larmes.

Mon premier réflexe a été de chercher d’autres parents qui vivaient l’horreur comme nous, car bien que nous ayons été très entourés les premiers jours, chacun était retourné à ses occupations et c’est ce que nous avions envie à ce moment.

C’est ainsi que j’ai contacté l’asbl « Parents désenfantés » (quand j’écris ce mot, mon pc me le souligne, c’est normal, ce mot n’existe pas, il n’y a pas de mot dans la langue française qui nomme des parents dont l’enfant est décédé…).

J’ai été accueillie par M avec qui j’ai eu une longue conversation téléphonique. Tout de suite, j’ai compris que cette maman comprenait tout à fait ce que je ressentais et cela m’a fait vraiment du bien. Ont suivis, ensuite, une visite à domicile par une autre maman qui avait également perdu sa fille et une réunion d’accueil chez un couple, eux aussi « désenfantés », avant que je ne participe à une première réunion. Tous ces parents sont devenus mes amis et même plus car tous savent ce que c’est de vivre après le décès de son enfant. Ensemble et au fil des réunions, nous avançons pas à pas.

Je me sentais (et encore aujourd’hui) tellement différente des autres parents qu'en en allant aux réunions de « Parents désenfantés », je me trouvais entourée de mes semblables avec les mêmes douleurs, le même ressenti et c’est ce que j’avais le plus besoin.

Patrick, lui, n’en éprouvait pas le besoin et n’avait pas envie d’entendre d’autres parents tristes comme nous. Mes enfants, eux, étaient sans avis. Parler de Léa n’était pas un sujet tabou mais difficile pour ma famille et moi j’ai toujours besoin et envie de parler d’elle…..ma fille. L’entendre m’appeler « maman » me manquait tant….

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