Nous sommes arrivés ce jour là, pas trop rassurés mais pas très inquiets non plus….. Pourtant ce jour là, on nous annonça la mort prochaine de notre fille…..
Encore une fois, les résultats des ponctions tardaient…… Et puis le professeur V. est arrivée vers nous ; « Pouvez vous venir dans mon bureau ? »
Nooon, je ne veux pas ! J’avais compris, nous avions compris. Léa dormait et n’a rien vu de cette scène, le professeur, qui, elle, craignait la rechute depuis quelques temps, nous a confirmé que les blastes étaient réapparus dans la moelle de Léa.
Je refusais d’admettre qu’on ne pouvait plus rien tenter. Mais il ne fallait pas être médecin pour savoir qu’on avait déjà tenté tellement de traitements que reprendre un traitement agressif devenait de l’acharnement.
Et des chimios expérimentales ? ai-je demandé. Non pas cela pour Léa qui avait trop subi car de l’expérimental reste de l'expérimental, entraînant parfois des effets secondaires inattendus , effets secondaires en tout genre et nous ne pouvions pas, nous n’avions pas le droit d’imposer cela à notre fille.
Demander un avis à l’étranger ? Il n’y a aucun traitement miracle pour une leucémie qui réapparaît pour la quatrième fois….. Nous devions nous rendre à l’évidence même si elle était horrible.
Combien de temps lui restait-il ? Difficile à dire, deux mois, trois peut-être plus en fonction de la réponse aux traitements palliatifs.
Et puis, comment en parler à Léa ? comment annoncer à un enfant qui s’est tant battu et qui a déjà tant souffert, que c’est fini et qu’il va mourir.
C’est tellement injuste, inacceptable, inimaginable ce qu’on peut ressentir à ce moment. Incomparable à tout ce qu’on nous avait déjà annoncé comme catastrophe. Le début de la fin, la chronique d’une mort annoncée…..
Léa a tout de suite vu à notre tête que cela n’allait pas quand nous sommes revenus dans la chambre. Elle avait été mise en chambre seule pour éviter à d’autres parents le voir le drame que nous vivions. Elle a pleuré, nous avons tous pleuré sans rien dire. Puis , du haut de ses 11 ans, nous a dit qu’elle ne voulait plus d’hospitalisations et qu’elle ne voulait plus de chimio….
Elle nous avait tendu une perche, nous avons enchaîné avec les infirmières à domicile qui sont, en fait, une équipe de soins palliatifs (ce qui heureusement ne voulait rien dire pour Léa), Qu’on ne viendrait à l’hôpital du jour que pour les prises de sang, que tout le reste se passerait dans sa maison. Nous n'avions pas envie de lui en dire plus....
Avec le recul, je me demande si elle n’avait pas tout compris à ce moment……..on ne le saura jamais.
Nous avons commencé un schéma Capizzi allégé, VP16 par voie orale, vincristine en bolus, médrol à forte dose (on commença avec 48mg mais vite diminué à 32 vu la mauvaise tolérance).
Une fois rentrés chez nous et annoncé cette horrible nouvelle à nos aînés. Nous avons totalement et volontairement oublié ce fichu réveillon. Cette année là, les fêtes de fin d’année, moments où tout le monde trempe dans l’abondance, étaient pour nous un véritable cauchemar.
1 De fabienne (maman de Damien) -
pas facile l'annonce d'un tel diagnostic. Difficile d'accepter qu'on ne peut plus se battre , qu'on ne maitrise plus rien.
Cette situation, pour l'avoir vécu, est au-delà de nos forces. devoir dire au-revoir si tôt , bien trop tôt.
Pas facile de revivre tout cela à travers l'écriture, j'imagine comme moi, que l'émotion vous a envahi et que vous aviez l'impression que c'était hier.
Mais l'écriture est aussi une façon d'avancer et d'extérioriser toute cette souffrance. Et aussi laisser une trace pour ne pas oublier....
2 De Cecile -
Je me souviens de cette annonce, pour Alexandre, je crois que tout est gravé dans ma tête, les mots, les lieux .... Je lisais ton message, Joelle, je voyais tout comme si j'y étais aussi. Nous aussi nous pensions que c'était bien mieux de rester à la maison, que la fin soit dans un lieu qu'on aime, entouré de ceux qu'on aime, puisqu'on n'a plus le choix, plus de traitements.
Ecrire tout cela, quelle douleur ...
Amitiés
3 De Jeanne -
c'est l'Enfer avec un grand "E" tout simplement. Chez nous, on a eu ce diagnostic deux fois en trois jours, le 27 mai pour Bernard puis le 30 mai pour mon mari, c'était mon anniversaire et depuis je refuse de le fêter à cette date.Je me souviens que j'ai demandé au médecin si j' avais pas plus de chance de tirer une balle de 22 long dans la tête de chacun de nous cinq pour en finir plus vite, il savait pas quoi me répondre, il a juste haussé les épaules. le destin a mis un policier sur ma route et je lui ai demandé de venir chercher la 22 long pour éviter une catastrophe. Puis nous avons mené les soins palliatifs de Bernard et mon mari ensemble à la maison . Ce sont des moments intenses, pudiques, où on essayait de rester comme on était. pas évident. Pourtant je suis certaine qu'il savait , des regards soutenus en disaient long mais je n'arrivais pas et les filles non plus à saisir la perche que souvent il tendait.J'ai su dire seulement à Bernard le jour de son départ qu'on ne savait plus rien faire et qu'il allait partir qu'il ne devait pas avoir peur. mais j'y suis arrivée. Il a répondu " mais je n'ai pas peur" et il avait un regard si franc, si pur que je n'ai pas douté un instant qu'il me disait la vérité. Mais cette journée là reste à jamais gravée dans ma mémoire.
Son papa est parti le rejoindre 50 jours plus tard.
Continue à écrire l'histoire de Léa Joëlle c'est important car écrire, c'est apprivoiser aussi le manque.
4 De Ingrid,la maman d'Eva -
S'entendre dire qu'il n'y a plus rien à faire ça fait telement mal . Un coup de poignard dans le ventre , le ciel qui nous tombe sur la tête .....
Comment l'expliquer à son enfant qui se bat contre cette M.... ?
Si on savait ce que l'avenir nous réserve...... la vie aurait peut être été plus belle.
Ta Léa est merveilleuse chère Joëlle, merveilleuse
Ingrid
5 De Annie -
Joëlle,
Quand j'ai appris cette nouvelle, je me souviens m'être fâchée, mise en colère presque en disant à mon mari qu'on ne pouvait pas dire ce genre de chose, que quand la vie est encore là on a encore le droit d'espérer... Je ne voulais pas admettre cette évidence et je me souviens à cette époque m'être "éloignée"... Je m'en excuse encore, m^me si je l'ai déjà fait. Je ne voulais pas accepter qu'elle puisse mourir, pour moi comme pour beaucoup d'autres sans doute, ça ne pouvait pas finir comme ça, elle s'était trop battue, elle avait trop souffert... Mais c'était peut être sa délivrance. Avec le recul, je n'accepte pas mieux, j'ai perdu deux amies très proches l'année dernière, de cette fichue maladie encore une fois et chacune forme avec l'autre une chaîne qui sert mon coeur un peu plus fort à chaque fois.
J'admire votre courage...