Retour à l'unité aseptique

Nous étions de retour à l’unité 56. Nous savions que Léa aurait besoin d’une longue rééducation. Notre courageuse petite fille avait été curarisé. Les médicaments qui provoquent le coma contiennent du curar qui paralyse les muscles dans le but d’économiser l’oxygène. Après 10 jours de coma, Léa devait tout réapprendre tant ses muscles avaient souffert….

« Maman, tu me grattes le nez ? » car elle ne pouvait même plus lever son bras….

Elle était couchée sur un matelas d’air, spécial anti-escarre, des pansements spéciaux (tranche de gouda comme Léa les appelait) étaient posés sur ses talons. Nous devions régulièrement la changer de côté car elle ne pouvait le faire elle-même. Les séances de kiné étaient un calvaire pour elle…..nous l’encouragions de toutes nos forces mais il était très pénible de la voir dans cet état.

Oui, c’était à ce prix que Léa s’en était sortie…

Des plaquettes étaient encore transfusées 3 fois par jour, ce qui à la longue, la fît réagir et des plaquettes A négatif, au lieu de A positif ont été administrées.

Et puis, au bout de quelques jours, les globules blancs se sont mis à chuter pour arriver au nombre de 20 (leur nombre est calculé au mm3). C’est la première lignée qui est détruite, la seconde va prendre le relais, nous disaient les docteurs…..mais cette seconde lignée n’a jamais pris le relais. Ces nouveaux globules blancs avaient rempli leur fonction au moment du choc septique, avaient sorti Léa de l’infection pour mourir ensuite sans se renouveler. La greffe avait échoué. Le 8 novembre, Léa a recommencé à avoir de la fièvre et on la remit sous Ceftazidim, Amukin, Vancomycine et difflucan, couverture totale d’antibiotiques et antimycosique. Mais les médecins pensaient, à une maladie sérique. Le corps de Léa avait dû supporter un trop grand nombre de médicaments et développait des anticorps contre lui-même. Un traitement à base d’anti-inflammatoire a été instauré, ce qui a permis à Léa de ne plus être fébrile. Ce traitement se prolongea plusieurs mois. Une mucite (multiples aphtes dans la bouche) a été bien améliorée grâce aux bains de bouche très réguliers.

Devant l’échec de la greffe et après réflexion, les hématologues proposèrent de recommencer celle-ci, mon mari qui avait, pas mal souffert de la prise élevée de Neupogen, accepta immédiatement. C’est l’institut Bordet, cette fois, qui se chargea du prélèvement, les cellules souches furent à nouveau prélevées et triées pour être réinjectées à Léa le 20 novembre. De son côté, elle avait été reconditionné avec de l’ATG (immunoglobulines antilymphocites).

Malheureusement, aucun résultat de récupération des lignées hématologiques ne fut obtenu. Léa avait développé, à tout jamais, des anticorps contre les cellules de son papa.

Entre temps une cystite hémorragique s’était déclarée, Léa ne pouvait plus uriner….des importants caillots sanguins empêchait la miction, l’infirmière devait les retirer à la pince kocher. Ce qui était pour Léa extrêmement douloureux. Ensuite, soulagée Léa me disait : « Hé bien, maman, maintenant je sais ce que c’est accoucher…. » Cette réflexion me fit encore plus comprendre ce que vivait ma fille de 10 ans….et j’en souffrais en silence.

Surtout ne rien laisser paraître, comme nous le faisons tous, nous parents d’enfants malades….garder le sourire et rigoler.....

Devant l’absence de traitement, et la question de choix proposée par le Professeur C, d’arrêter tout traitement, nous avons décidé, de réinjecter les cellules souches prélevées chez Léa, à la fin de l’année 98 et qui avait été congelées. Nous avions bien conscience que la leucémie risquait de redémarrer mais Léa pouvait au moins rentrer à la maison et c’est ce qu’elle désirait le plus au monde.

Le 12 décembre, Léa eu la troisième greffe. Cet auto greffe fonctionna comme elle le devait et Léa remontait très doucement la pente….

Depuis son passage aux S.I., nous lui mettions des langes car elle avait perdu le contrôle des sphincters. Je crois, aussi, que la mobilisation était tellement douloureuse qu’elle préférait le lange pour se soulager.

Moralement, notre fille n’en pouvait plus, elle ne souriait plus, ne s’intéressait plus à rien et nous disait sans cesse qu’elle en avait marre…… Les médecins envisageaient sa sortie. Le traitement de sortie était medrol, sporanox, zantac, aprical, junifen, uropyrine, ditropan, bactrim, zovirax. Un pilulier devint indispensable ainsi qu'une gestion minutieuse.

Nos aînés, aussi, n’en pouvaient plus, surtout Thomas le plus fragile….Le petit ami de Julie logeait en permanence à la maison et notre fils avait du mal à accepter l’autorité d’un étranger de quelques années, son aîné. Julie avait commencé à travailler et à 20 ans ne pouvait plus assumer l’entretien de la maison. Cloé en avait plus qu’assez de loger tantôt chez l’un, tantôt chez l’autre. Il régnait chez nous un climat de tension perpétuel et il était grand temps de revenir chez nous. Il y avait plus de trois mois que je n’étais pas rentrée chez moi, j’y fis un saut la veille du retour pour remettre la maison en état pour accueillir Léa qui avait perdu toute son autonomie. Une aide soignante de l’unité avait gentiment proposé de m’aider et à deux, nous avons vite et bien travaillé….

Petit retour en arrière ; depuis sa dernière rechute, Léa avait une nouvelle passion, les chiens. Elle s’était vu offerte une collection d’encyclopédies sur le sujet et avait commencé une collection de chiens miniatures de toute les races possibles. Son rêve était d’avoir un braque de Weimar (chien de chasse à la couleur grise et aux yeux ambrés). Ayant déjà un chien, nous n’étions pas très chaud……. Pendant son séjour aux S.I., nous avons parlé à Léa pendant des heures et nous lui avons dit que si elle s’en sortait, elle aurait son braque de Weimar. Léa n’avait aucun souvenir de ses paroles, bien entendu, mais une parole donnée est une parole donnée et nous nous sommes mis en quête de trouver ce chien assez rare.

Mais avant tout, la rééducation, car Léa ne savait même plus marcher et pour s’occuper de son chien c’était indispensable…..

Sept cartons bien remplis furent nécéssaires pour le déménagement!

Le 9 janvier 2002, le grand départ dans les bras de papa.

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